Etre une sirène n’est pas toujours facile. D’abord, il faut réussir à enfiler sa queue, un fondamental, qui peut peser jusqu’à 15 kilos selon les modèles. Ensuite, il faut se mouvoir, les jambes captives, pour rejoindre la mer. Tout cela, le visage maquillé, l’allure gracieuse, même sous l’eau, malgré tous ces efforts. Qu’importe, car pour Ingrid Fabulet, être sirène est un art. Haut de bikini en forme de coquille Saint-Jacques, les eaux bleu clair du golfe du Morbihan en guise de décor, la jeune femme prend la pose et sourit pour le cliché. Fleurs de tiaré piquées dans ses très longs cheveux bruns, peau pailletée impeccable, elle évite de trop bouger tant le petit rocher sur lequel elle se tient assise est inconfortable. Sa longue queue de sirène turquoise, bronze et doré scintille comme sardine au soleil.
En ce début du mois de juin, la scène attire forcément les regards et un groupe de retraités s’arrête, interloqué. « Tiens, je ne savais pas que les sirènes existaient ! », dit en rigolant l’un d’eux. La conversation est engagée ; Ingrid, habituée, se présente : « Bien sûr. Je suis la sirène de Vannes. » Et tandis que le sexagénaire s’approche pour prendre une photo, Ingrid redispose ses mèches chahutées par la brise et retire les petites algues venues coller le silicone de son costume.
Ingrid Fabulet est une adepte du « mermaiding », une activité qui consiste à incarner une sirène. C’est-à-dire à revêtir une queue de poisson, puis poser ou nager, selon les goûts. Venue des Etats-Unis, la pratique se développe en France ces dernières années, où l’on recense une poignée de sirènes professionnelles, deux écoles et quelques clubs de natation qui proposent l’expérience.
Outre-Atlantique, les premières sirènes font leur apparition au début du XXᵉ siècle, notamment au cinéma ou dans des parcs aquatiques. Ainsi, dans les années 1950, le parc Weeki Wachee Springs, en Floride, devient célèbre pour son ballet aquatique de sirènes. Soixante-dix ans plus tard, elles seraient environ un millier à exercer aux Etats-Unis. Mises à l’écran dans la série documentaire Sirènes de métier, sortie sur Netflix fin mai en même temps que la nouvelle version de La Petite Sirène de Walt Disney, elles se produisent dans des aquariums géants, lors d’anniversaires ou d’événements, leur notoriété grandement accrue par les réseaux sociaux.
Parmi les passionnées françaises, Ingrid Fabulet est une pionnière. En 2016, la jeune femme, alors âgée de 26 ans, gagne la première édition du concours Miss Sirène France, avant de remporter le titre mondial. « En France, personne ne connaissait ce prix. J’ai surtout fait du démarchage pour le présenter », relativise-t-elle. Originaire du Morbihan, la Bretonne aux boucles d’oreilles en forme de coquillage explique cette passion par son attachement à la mer, qu’elle écume depuis toute petite : « Enfant, mon père avait un bateau, il m’a appris à plonger, j’étais toujours dans l’eau. »
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